Grève de métros et de trains, piquets devant les grands magasins, présentatrices vedettes absentes des médias... L'Espagne s'est mobilisée pour les droits des femmes ce 8 mars, avec une grève générale "féministe" sans précédent dans le pays.
Que se passerait-il si les femmes arrêtaient de travailler à l'échelle d'un pays? C'est sur cette idée que les syndicats et organisations féministes espagnols ont appelé à la grève générale des femmes ce jeudi 8 mars, à l'occasion de la journée internationale des droits des femmes. L'objectif: défendre l'égalité salariale, dénoncer le harcèlement ou encore la violence faite aux femmes.
La mobilisation a démarré mercredi à minuit par des concerts de casseroles dans le centre de Madrid, mais la principale manifestation était annoncée pour jeudi soir. Les deux principaux syndicats espagnols, UGT et CCOO, ont appelé à un arrêt de travail de deux heures, observé selon leurs estimations par 5,3 millions de personnes à travers le pays. Dix autres syndicats avaient appelé à une grève toute la journée, inspiré d'un mouvement similaire en Islande en 1975.
La radio la plus écoutée par les Espagnols, la Cadena Ser, avait perdu ses voix féminines dans la matinée. Les stars des émissions matinales de télévision étaient aux abonnés absents. Et les femmes journalistes désertaient la rédaction du premier quotidien espagnol, El Pais. Près de 300 trains ont été annulés et des rassemblements se sont formés dans une multitude de villes pendant l'arrêt de travail de deux heures à la mi-journée.
"Je suis asphyxiée"
Paula Biempica, employée de banque de 39 ans rencontrée dans le rassemblement à Madrid, disait faire grève pour la première fois de sa vie. "Beaucoup d'entre nous avons renoncé à des promotions pour nous consacrer à la maison et à la famille", disait cette mère avec quatre enfants à charge, reprochant au monde de l'entreprise de ne toujours pas permettre de concilier maternité et travail.
"Je suis asphyxiée", affirmait pour sa part Eva Ferrero, 48 ans, disant assurer un travail à temps partiel de femme de ménage payé 700 euros mensuels et passer le reste de sa journée à s'occuper de sa mère malade et de ses deux enfants. Elle manifestait face à une grande enseigne commerciale de l'avenue Gran Via, où les grévistes appelaient exceptionnellement à ne pas consommer, afin de ne pas obliger vendeuses et caissières à travailler.
Des femmes employées à domicile, ne pouvant délaisser les personnes âgées et enfants dont elles s'occupent, avaient prévu d'accrocher symboliquement des tabliers aux balcons. À Barcelone, Amira Malainne, étudiante de 23 ans coiffée d'un hijab violet - la couleur de la cause féministe en Espagne - affirmait avoir "plus de raisons que quiconque d'être ici. Nous subissons une triple discrimination: parce que nous sommes des femmes, d'origine étrangère et musulmanes".
Des femmes employées à domicile ont accroché symboliquement des tabliers aux balcons à Vigo, notamment.
"Grève du zèle"
L'Espagne est cependant pionnière dans la lutte contre les violences faites aux femmes, s'étant dotée dès 2004 d'une loi spécifique contre les violences faites aux femmes, présentée comme un "modèle" par le Conseil de l'Europe. En Espagne, les femmes sont payées en moyenne 14,2% de moins que les hommes, un peu mieux que la moyenne européenne (16,2%) selon Eurostat. Mais des débats passionnés s'y tiennent depuis des semaines, alimentés notamment par les déclarations de deux femmes ministres en faveur d'une "grève du zèle", qui a scandalisé la gauche.
Finalement, le chef du gouvernement, le conservateur Mariano Rajoy, s'est démarqué de leurs propos. "La journée d'aujourd'hui sert à lancer un débat et à nous faire, à tous, prendre conscience", a-t-il déclaré jeudi devant des membres de son parti, un ruban violet attaché à sa veste. La présidente conservatrice du Congrès des députés, Ana Pastor, a aussi défendu le droit de grève: "il y a des hommes qui continuent à penser que les femmes étendent mieux le linge", disait-elle jeudi. La numéro deux du gouvernement, Soraya Saenz de Santamaria, a de son côté assuré qu'il restait "encore bien des choses à changer car même les vice-présidentes du gouvernement doivent subir des comportements machistes inacceptables".
Le mouvement est aussi suivi par des actrices célèbres comme Penelope Cruz ou Rossy de Palma, égéries du cinéaste Pedro Almodovar qui, de film en film, a rendu hommage aux femmes espagnoles fortes et libérées. Penelope Cruz a annulé sa participation à divers événements et annoncé qu'elle laisserait son compagnon, l'acteur Javier Bardem, s'occuper de leurs enfants. "Si les femmes baissaient les bras, le ciel nous tomberait sur la tête", a écrit Rossy de Palma sur Instagram.
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