Lors d'un congrès de son parti, le président turc a invité sur scène une petite fille vêtue d'un uniforme militaire. Il lui a assuré qu'elle serait honorée si elle tombait pour son pays.
La séquence suscite l'indignation de l'opposition turque. Le 24 février dernier, devant les militants de son parti (AKP) réunis en congrès dans la ville de Kahramanmaras, au sud de la Turquie, le président Recep Tayyip Erdogan a invité une petite fille sur scène. Habillée de l'uniforme militaire des forces spéciales truques, la fillette a rejoint le dirigeant en pleurant, visiblement intimidée.
«Si elle tombe en martyr, elle sera recouverte d'un drapeau, si Dieu le veut», a alors lancé le président Erdogan à la foule, avant d'embrasser la fillette et d'être vivement applaudi par les militants de son parti islamo-conservateur, qui scandaient: «Chef! Amenez-nous à Afrine!». Le président appelait en effet à soutenir l'opération militaire des forces armées turques contre les milices kurdes dans la région d'Afrine en Syrie. Alors que l'ONU a réclamé une trève en Syrie, Ankara prépare une nouvelle offensive.
La scène, diffusée en direct à la télévision nationale, a suscité de vives critiques. «Faire venir une enfant sur scène devant des milliers de personnes et bénir la mort est une grande erreur. Aucun enfant ne devrait jamais avoir à être dans l'ombre des armes et le visage de la guerre», a déclaré Veli Agbaba, le vice-président du parti républicain du peuple (CHP), principal parti d'opposition, au Daily Telegraph. Dans la foulée, le parti démocrate des peuples (HPD) a blâmé sur twitter les propos du président turc qui incitait les enfants à mourir pour la patrie.
VIDEO : Erdogan critiqué pour avoir incité une petite fille à mourir en martyr
Recep Tayyip Erdoğan (prononcé en turc /ˈɾɛd͡ʒɛp ˈtaːjip ˈɛɾdoan/ ; Écouter), né le 26 février 1954 à Beyoğlu, est un homme d'État turc. Il est notamment le cofondateur du Parti de la justice et du développement, Premier ministre de 2003 à 2014 et président de la République de Turquie depuis 2014.
Diplômé de la faculté des sciences économiques et commerciales de l'université de Marmara, Erdoğan est joueur de football semi-professionnel de 1969 à 1982. C'est au niveau local qu'il commence son parcours politique, après avoir été élu maire d'Istanbul en 1994. Il perd ce mandat en 1998, lorsqu'il est emprisonné pendant quelques mois pour avoir lu un poème du nationaliste turc Ziya Gökalp dans la province de Siirt. En 2001, il fonde l'AKP, qui devient la première force politique turque en 2002, en obtenant la majorité à la Grande Assemblée nationale.
Nommé Premier ministre en 2003, il amende la Constitution pour que le chef de l'État soit directement élu par les citoyens, prône une intégration de la Turquie au sein de l'Union européenne et tente de réformer l'économie nationale. Populaire lorsqu'il s'engage dans le jeu politique, Recep Tayyip Erdoğan bénéficie d'une solide majorité parlementaire, confirmée lors des scrutins législatifs de 2007 et de 2011. Le régime qu'il a instauré est à partir de cette époque considéré comme étant autoritaire voire dictatorial. Il est alors contesté par certains pans de l'électorat du fait de cet autoritarisme et de soupçons de corruption pesant sur son proche entourage politique et personnel. Il ne parvient par ailleurs pas à régler la question kurde.
En 2014, il devient le premier président de la République élu au suffrage universel direct. L'AKP perd la majorité absolue aux élections législatives de juin 2015, mais la regagne à celles de novembre 2015. Dès le début de sa présidence, une dérive autoritaire du pouvoir est soulignée. La tentative de coup d'État de 2016 renforce la position d'Erdoğan et conduit à des purges avec plus de 50 000 arrestations dont des députés de l'opposition et au licenciement de plus de 100 000 employés du secteur public, ainsi qu'à la mise en place de réformes sécuritaires et à une présidentialisation du régime.